Assurant la liaison entre le Canal du Midi et la partie aval de la Garonne, moins capricieuse, le Canal de Garonne est l’un des ouvrages fluviaux les moins connus en France. Construit tardivement, à l’heure où le chemin de fer prenait son essor, il ne connut pas le succès commercial escompté et sera remis dans les années 70 à la navigation de tourisme.
Quand Pierre-Paul Riquet lance les travaux du Canal du Midi entre Toulouse et la Mer Méditerranée, le projet du Canal de Garonne qui fait partie du projet d’ensemble « Canal des Deux Mer » est trop couteux pour être mis en oeuvre immédiatement. Quand le Canal du Midi rentre en service en 1681, il s’arrête à Toulouse et il faut transborder les marchandises sur des barques de plus faible tonnage qui permette la descente d’un fleuve capricieux. Cette dernière partie du trajet vers Bordeaux dure 5 jours (et 15 jours pour remonter le fleuve).
Les conditions de transport s’avèrent mauvaise et les crues fréquentes de la Garonne condamnent régulièrement le trafic à l’arrêt.
Génése du projet de Canal de Garonne
Le canal des deux Mers est un mythe poursuivi depuis des siècles par les monarques qui ont dirigé la France. Depuis les empereurs romains, la liaison entre Méditerranée et Océan Atlantique a été une quête irréalisable en raison des moyens nécessaires et de la technicité à mettre en oeuvre. La révolution industrielle va donner un coup de pouce au projet qui refait surface à début du XIXe siècle. Le développement des transports, le commerce local et international et les caprices de la Garonne semblent alors incompatibles.
Il faut dire que la Garonne est un fleuve compliqué qui est régit par un régime hydrologique nival qui n’offre ni un débit ni un niveau constants tout au long de l’année. Les crues au printemps et un débit plus faible en été limite les plages de navigation. L’Aquitaine qui est une région de transit entre les marchandises qui arrive d’outre mer et les bassins industriels du sud de la France doit désormais se doter d’infrastructures permettant aux bateliers de maintenir une régularité du trafic et des temps de trajets raisonnables.
Quand l’ordonnance d’étude du canal est votée le 17 décembre 1828, la Cie Magendie, société privée établie à Bordeaux, prend en charge cette étude. Alexandre Doin conduit les travaux et rend en 1832 une synthèse qui au travers de compte rendus et de constatation met en avant tous les avantages du canal et en particulier les coûts de transport. Ce mémoire est en consultation à la Bibliothèque Nationale de France. Ce mémoire lui d’emporter la maitrise d’oeuvre du projet et la Cie Magendie reçoit la concession du canal (loi du 22 avril 1832).
La Cie Magendie, comme l’avait fait Pierre-Paul Riquet en son temps, prend en charge le montage du projet et confie sa réalisation, avec l’aval de l’état à Jean-Baptiste de Baudre. Cet Inspecteur Divisionnaire des Ponts & Chaussées connait bien ce périmètre puisqu’il a conduit une étude à partir de 1825 pour améliorer la navigation sur le fleuve. Jean-Baptiste de Baudre s’entoure d’ingénieurs reconnus pour conduire cette réalisation.
Construction du Canal
Vie et « Mort » du Canal
Le trafic fluvial se transfère en grande partie vers le canal mais le triplement des redevances sur la canal (2 à 6 centimes par tonne et par kilomètre). par la compagnie des frères Pereire mettant les deux modes de transport (fluvial et ferroviaire) sur un pied d’égalité. Cette augmentation des tarifs va donner un avantage au chemin de fer, plus rapide.
L’Etat étend la concession de la Compagnie du Midi en lui attribuant le 29 mai 1858 (décret passé le 21 juin) pour quarante ans. En ayant le monopole du transport dans le Sud-Ouest de la France, cette compagnie va jouer au mauvais tour au Canal.
Mais ce n’est pas la seule raison qui va conditionner le succès de l’ouvrage. Car si le trafic ne dépassera jamais 25.000 tonnes par an sauf lors des crues du fleuve, les choix de l’état suite à la loi du 5 août 1879 introduisant la modernisation des canaux et l’instauration du « gabarit Freycinet » sur tout le territoire ne concernera pas le Canal latéral de la Garonne. L’origine de cette décision découle d’un conflit d’intérêt, le ministre de travaux publics Louis de Saulces de Freycinet ayant été « Chef d’Exploitation » de la Compagnie des Chemins de Fer du Midi. L’autre conflit fut la décision d’étendre le réseau de chemin de fer en 1878 vers toutes les sous-préfectures qui condamna aussi l’exploitation du Canal.
La gestion calamiteuse du Canal a rapidement été pointée par l’Etat, la Compagnie ayant privilégié ouvertement la chemin de fer lui apportant plus de profits. Elle est dessaisie de sa concession par l’état à partir de novembre 1897. Le canal rejoint les domaines de l’état le 1er janvier 1898. La suppression des redevances a un effet immédiat puisque le trafic bondit de 75.000 tonnes en 1897 à 150.000 tonnes en 1903. L’année 1903 verrait quelques rénovations mais sans atteindre le niveau d’amélioration du programme Freycinet.
Jusqu’en 1974, le canal n’évoluera pas et le trafic s’adaptera à la configuration du canal sans jamais décoller. Dans les années 30, la suppression du chemin de hallage sur le Canal et le long de la majorité des cours d’eau français n’est pas vraiment une révolution ici. Le développement de la motorisation sur les bateaux et l’augmentation de leur taille s’adaptera mal à la largeur du canal. Même si des travaux d’allongement des écluses sont réalisés en 1974, il n’aura pas d’effet sur le trafic marchand. L’arrêt des projets de modernisation en 1990 et la transition vers un trafic majoritairement touristique condamneront définitivement sa vocation de transport de marchandises. Le dernier bateau marchand du canal cessera son activité en 2000.
Le canal a aujourd’hui un intérêt touristique indéniable, avec plus de 5000 plaisanciers chaque année, ses chemins de hallage transformés en pistes cyclables et espaces de promenade.
Bibliographie
Canal latéral à la Garonne : enquêtes et observations sur ces enquêtes / par Alexandre Doin / 1836 (sur Gallica)
Site officiel du canal : https://www.canal-de-garonne.fr/