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Place forte d’Epinal

Sujets de l'article : epinal , Fort

La place forte ou camp retranché d’Epinal est un dispositif très récent dans un secteur où jusqu’au XVIIe siècle la seule défense majeure était le Château d’Epinal. A la fin du XIXe siècle (Comité de défense de 1872), son caractère stratégique est mis en évidence, le long de la Moselle, du sud du Canal de l’Est et sur le carrefour des voies ferrées entre Nancy, Remiremont, Langres et Belfort. Jamais exploité jusque là, le périmètre spinalien deviendra une place de second niveau en 1876 en prolongeant la ligne de défense de la Haute Moselle. Ce n’est qu’à partir de 1878 que la ville devient une place force et voit ses fortifications de ceinture construites.

La décision de construire des éléments de fortification autour d’Epinal se concrétise en 1876 pour éviter le contournement de Belfort. Les fort de Dogneville et de Longchamp se situe au Nord-Est de la ville sur la rive droite de la Moselle (secteur de Longchamp). Les forts de  la Mouche et de Razimont sont positionnés à l’est de la ville (secteur de la Mouche). Ils constituent la tête de pont sur la rive droite de la Moselle. Mais ce dispositif est insuffisant et par décision du 14 mai 1878, il va prendre de l’ampleur et transformer la ville en place forte.

En 1879, trois nouveaux forts d’arrêt sont construits cette fois-ci sur la rive gauche (de Girancourt, du Roulon et du Bambois). Ils sont toutefois trop éloignés à l’ouest et entre eux pour défendre de façon efficace Epinal et se couvrir mutuellement. A ce stade on ne peut considérer Epinal comme une place fermée.

Le vrai tournant a lieu en 1881 quand de nouveaux forts de ceinture sont construit. Ils font en 1885 d’Epinal une vrai place forte ceinturée par des forts de place (non protégés par l’arrière) se couvrant mutuellement. Une ligne continue couvre désormais le périmètre spinalien.

La crise de l’obus-torpille

A peine ces fortifications établies, l’artillerie fait un grand pas et l’apparition de l’obus-torpille bouleverse totalement les principes de défense établis. Les forts jusqu’en 1885 sont construits en grande partie en maçonnerie (brique et/ou pierres) et surmontés de terre sur une épaisseur d’au moins 3 mètres. L’artillerie n’est alors pas protégée et est installée à l’air libre sur des plateformes de tir. Les 15 forts sont au moment de la crise de l’obus-torpille d’un coup dépassés. En 1886, des directives ministérielles donnent une première ébauche des évolutions à prévoir dans les forts pour les adapter à ces nouveaux projectiles. Mais tous ne le seront pas, à l’image du Fort de Bois l’Abbé.

A partir de 1887, les forts sont modifiés en profondeur. Les magasins à munition sont déplacés dans des ouvrages souterrains à l’intérieur de la ligne de défense et invisible des adversaires. Les ouvrages sont démultipliés avec la création de retranchements pour les hommes, de redoutes dans les espaces, du déplacement des pièces d’artilleries dans des ouvrages intermédiaires souvent casematés.

On peut noter l’apparition du béton sur ce nouveaux casernements dans les forts existants. Ces derniers n’ont désormais qu’une utilité militaire relative et servent désormais de lieu de vie pour les troupes et de point d’observation.

La nouvelles distribution des ouvrages dans la place forte complique la gestion de l’approvisionnement dès les premiers travaux. Ici comme ailleurs en France, des voies ferrées à faible écartement (60cm, système Péchot) sont crées dès 1888. A l’issue de ce déploiement, en 1893, la place forte comptera jusqu’à 120km de voies ferrées. Pour le fonctionnement, le matériel roulant comptait 14 locomotives (1 par ouvrage) et 140 wagons de deux types de tonnage.

La multiplication et la dispersion de ces nouveaux ouvrages posa le problème de leur approvisionnement; celui-ci fut résolu par la création, dès 1888, d’une voie ferrée stratégique de 0,60m du système Péchot, dont le développement du réseau atteindra près de 120 km. La construction des voies ferrées des différents secteurs et voies périphériques fut réalisée principalement de 1889 à 1893. L’embranchement vers l’ouvrage de Deyvillers date de 1900. Le matériel affecté à l’exploitation de ce réseau (positionnement et transfert des pièces d’artillerie, approvisionnement des forts et des batteries) était composé de 14 locomotives, 32 wagons de 5 tonnes et 117 wagons légers. 24 km de voie de réserve étaient disponibles à l’Arsenal. La routine comprenait un train de desserte par ouvrage, dont la composition était invariable (adaptée au parcours et à sa destination).

L’avant première guerre mondiale

Entre 1897 à 1914, seuls cinq forts (Uxegney, Dogneville, Longchamp, Les Adelphes et le fort de Deyvillers) sont adaptés aux dernières techniques. On les équipes de casemates en béton armée, de tourelles à éclipse, de casemates de Bourges, de coffres de contrescarpe (fossé). Quatre autres recevront des aménagements mais sans atteindre l’ambition initiale.

La modernisation des ouvrages a tardé à se réaliser faute de crédits. Le plan prévoit un étalement des travaux jusqu’en 1922 et au moment de la mobilisation seuls 9 des 17 forts de la ceinture ont été modernisés. Il était même prévu la construction de trois nouveaux forts avancés pour verrouiller les accès qui n’auront pas le temps d’être réalisés.

Sur le papier la place forte d’Epinal apparait redoutable avec ses 17 forts (dont un réduit), ses 70 batteries installées dans l’espace et ses 33 redoutes. 20 abris et 18 magasins à poudres, épaulés par 14 postes de commandement et 3 postes optiques complètent le dispositif.

Si la communication par pigeon voyageur était privilégiée à la fin du XIXe siècle (3 pigeonniers créés en 1885), la construction d’une station télégraphique en 1908 offre une véritable avancée. Des moyens modernes équipent la plate forte avec la matérialisation d’un aérodrome à Dogneville en 1913 et la construction du parc à dirigeables de Louvroie en 1910.

Sur un périmètre de 43km, la place forte dispose des dernières évolutions technologiques de l’époque sans en disposer pour autant partout.

De 1914 à aujourd’hui

Le camp retranché d’Epinal aura une position stratégique en 1914 sans pour autant jouer un rôle déterminant, la plupart des forts ayant été vidés de leurs armes et garnisons en 1916. La plupart des forts seront maintenus jusqu’à la seconde guerre mondiale. Pourtant, l’armée prévoyait dans son plan de défense pour 1914 des garnisons à hauteur de plus 14000 hommes sans les officiels et près de 16000 en réserve (chiffres de 1909). Dans les faits il seront à peine 7000 tout confondu lors de la mobilisation de 1914 (source fortiffsere.fr).

La place d’Epinal a pour rôle avant tout d’assurer les manoeuvres et l’hébergement des garnisons derrière le front. Elle peut accueillir, au total près de 60000 hommes (incluant les garnisons assurant sa propre défense).

Mais le décret du 5 août 1915 conduit au désarmement de la place forte pour renforcer le front. Les pièces d’artillerie sont pour la majorité déménagées. Seules reste l’armement fixe (caponnières et tourelles). Il sera fait machine arrière après la bataille de Verdun, le commandement ayant craint une nouvelle percée allemande. Pour autant, la place forte ne subira que peu d’attaques. L’ensemble est remis en état entre 1918 et 1939. La ligne Maginot qui se déploie dans les départements du Rhin et dans le territoire de Belfort, doit désormais être la première ligne de défense. Les forts d’Epinal doivent assurer le rôle de seconde ligne en cas de percée allemande.

Après le passage des allemands par les Ardennes le 10 mai 1940, ils arrivent en ligne de mire d’Epinal sept jours plus tard. Seule une partie des forts sont en configuration de combat. Des combats éclates entre les forces allemandes et les batteries des forts. Le combat va durer pendant 4 jours et ne va cesser qu’après l’armistice.

Les forts se rendent et sont occupés par les forces allemandes jusqu’en 1943. Ils s’en servent de casernement, de dépôt et même de prison. La construction du Mur de l’Atlantique demandant beaucoup de matériaux, les forts sont en grande partie ferraillés. Les fort d’Uxegney et de Bois l’Abbé sont épargnés.

Après guerre, l’armée française prendra place dans plusieurs forts. Aujourd’hui la majorité est rendu à la nature et est enfoui sous la végétation. Beaucoup de constructions sont encore présentes mais souvent fermées et non valorisées. Malheureusement, le temps passant et les projets immobiliers naissant, certains bâtiments ont disparu.

Bibliographie

Route des fortifications européennes, http://www.route-des-fortifications.eu

La place forte d’Epinal, http://fortiffsere.fr/epinal/

Auteur de l’article : La rédaction

2 commentaires sur “Place forte d’Epinal

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