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Où est Alésia ?

Sujets de l'article : Napoléon III

La position de la bataille d’Alésia a été décidée sous Napoléon III et, depuis, archéologues et historiens se déchirent à chaque fois que l’idée qu’elle ne soit pas associée au site d’Alise-Saint-Reine en Côte-d’Or est évoquée. L’un des grands instigateur de la controverse est André Berthier qui eu au long de sa carrière assez peu d’écoute officielle lorsqu’il a mis en balance cette « vérité » avec la présence dans le Jura du site de Syam.

Histoire

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Les sources historiques

Revenons aux origines. Dans la « Guerre des Gaules », Jules César retrace la bataille qui a permis de soumettre les peuples gaulois (sauf un petit village de Bretagne selon Uderzo) et de les faire rentrer dans l’Empire Romain. Cette vue historique par l’envahisseur a eu de nombreuses copies et réécritures. Le premier problème de taille est en tout premier que cette oeuvre décrit ce conflit du point de vue de Jules César et souvent il est accusé d’avoir exagéré l’adversité des Gaulois et la dimension des théâtres d’opération.

A chaque fois qu’une référence Antique permet d’asseoir une théorie moderne, comme la Géographie de Ptolèmée, les récits du Poète Ausone, etc… il faut prendre un recul suffisant et lire entre les lignes. Et il faut bien reconnaître que roman, archéologie et histoire ne font pas toujours bon ménage.

Tous ceux qui ont élaboré des théories basées sur la Géographie de Ptolémée ont eu souvent un retour de bâton lorsqu’en 1930 il a été confirmé que les positions géographiques étaient entachées de profondes erreurs dues aux connaissances de l’époque (Cas de la position de Noviomagus en Gironde par exemple).

La première référence moderne de la localisation à Alise-Sainte-Reine remonte au IXe siècle (entre 840 et 870 environ). Le moine Héric qui est chroniqueur au monastère de Saint-Germain d’Auxerre fait l’association entre Alésia et Alise-Sainte-Reine. Dès lors, les moines bénédictins de Flavigny-sur-Ozerain en feront régulièrement l’écho.

Les premières découvertes et la décision de Napoléon III

La découverte en 1839 d’une inscription mentionnant ALISIIA sur le site d’Alise a été le premier élément qui confirma une piste évidente permettant d’associer le site d’Alise-Sainte-Reine avec la célèbre bataille où Vercingétorix tomba face à César. Même si d’autres hypothèses voient le jour, Napoléon III entre 1861 et 1866 fait mener des fouilles sur un vaste périmètre autour d’Alise et publiera à leur issue son ouvrage l’« Histoire de Jules César » qui va asseoir politiquement la thèse associant Alésia et Alise-Sainte-Reine. Plus jamais, une autre théorie n’aura la faveur des autorités politiques. Pour clôturer les recherches et poser le symbole, Napoléon fera ériger une statue de Vercingétorix à proximité.

Il faudra attendre 1964 et Alain Berthier qui a des amitiés avec André Malraux pour qu’une autre thèse puisse être discutée sur la place publique. Mais, c’est probablement la méthode et la personne d’André Berthier qui ont été au centre de la controverse. Ayant élaboré sa théorie alors qu’il travaillait en Algérie à Constantine, sans se rendre sur le site, sur la base du seul récit de Jules César, ses éléments ont régulièrement été écartés par les personnes se considérant comme de plus éminents spécialistes de la Guerre des Gaules. Comme on ne peut pas le lire sur la page Wikipédia de Syam, André Berthier s’est avant tout opposé au mythe fondateur de la France qui est constitué par Alésia et ses conséquences. On oublie encore aujourd’hui que c’est Napoléon III qui fit d’Alise-Saint-Reine, le site officiel d’Alésia et depuis la théorie ne fut plus jamais remise en cause. Cela ne signifie pas pour autant que les vestiges d’Alesia ne se situent pas en dehors de la côte Côte-d’Or. Scientifiquement tout est possible encore faut-il avoir la possibilité d’investiguer.

Depuis Napoléon III, déplacer Alésia c’est s’attaquer à un symbole fondateur de la nation

A ce jour, le seul article moderne valable, paru quand la presse magazine est celui que le magazine GEO a publié en 2003 dans un dossier de 12 pages, trois ans après le décès d’André Berthier (décembre 2000). Cet article aborde le sujet sur un plan qui ne prend pas partie pour cette théorie plus qu’une autre mais a l’avantage de poser les différentes hypothèses.

Avec André Berthier, peu furent sur la même ligne de pensée. Son co-rédacteur du livre Alésia, l’abbé André Wartelle et la latiniste Danielle Porte sont les plus grands défenseurs de cette théorie. Malheureusement, il faut bien reconnaître que cette démarche n’est pas beaucoup étayée avec des découvertes sur le terrain. Aujourd’hui parmi les historiens, Franck Ferrand, intervenant dans Secret d’Histoire et animateur de l’Ombre d’un doute, est celui qui porte cette voix divergente de la théorie officielle dans les médias. Ce dernier reste aussi lié à Danielle Porte dont il a fait la préface du dernier livre sur le sujet (2014).

Sociologiquement, s’attaquer à Alésia et déplacer son site c’est remettre en question une vérité qui fonde la nation française et qui a permis de réunir les peuples qui étaient présent sur son sol. Napoléon III avait bien compris le rôle politique d’Alésia.

Site de Syam

Il aura fallu la mort d’Alain Berthier pour qu’on commence à l’intéresser au site de Syam. Selon certains spécialistes, cela pourrait être l’un des plus grands oppidum d’Europe, même s’il n’est pas question officiellement d’y voir Alésia.

Le  grand spécialiste de l’age du Fer, Paul Guillaumet, considère les vestiges qui s’y trouvent  dans un état exceptionnel de conservation même s’il y a beaucoup à faire pour les mettre au jour. Les fouilles d’Alain Berthier sur le plateau de la Chaux et la colline de la Côte Poire avaient permis de mettre au jour un matériel important composé de poteries, armes et outils gallo-romains, gaulois et romains.

Sur la colline de la Côte Poire un site de 40 ha est entouré de fortifications qui permettent de bloquer l’accès par la plaine. Dans son  ensemble le site occuperait près de 1200 ha.

L’association ArcheoJuraSite donne les informations suivantes :

1 – L’Ain de sa source à Syam (1a), puis de Syam à Crotenay après la confluence avec la Saine (1b) en plaine de Syam : rivière évoquée par César dans le Bellum Gallicum.
2 – La plaine de Crotenay, bordé à l’Ouest par la barre de la côte de l’Heute : lieu de la bataille préliminaire de cavalerie qui vit la défaite de la cavalerie gauloise.
3 – La butte de Montsogeon : hauteur déterminante dans la bataille préliminaire de cavalerie, à 15 km environ de la place forte d’Alésia où Vercingétorix veut bloquer César.
4 – La plaine de Syam, de 4,5 km de long, entourée de collines sur tous les côtés : camp principal de César et lieu de plusieurs batailles successives entre romains et gaulois.
5 – L’éperon barré de Chaux-des-Crotenay fermant au Sud la plaine de Syam : oppidum mandubien et position choisie par Vercingétorix pour bloquer César.
6 – Alésia, cité des Mandubiens, sur la partie sommitale de l’oppidum : métropole religieuse de la Celtique avec son enceinte cyclopéenne.
7 – La Saine (a) et la Lemme (b), deux rivières torrentueuses léchant les flancs abrupts de l’oppidum (César dixit) et séparant l’oppidum de collines de même hauteur.
8 – La Côte Poire ou montagne Nord décrite par César comme ne pouvant pas être englobée dans les défenses romaines : domine dangereusement le “camp Nord” romain.
9 – La combe de Crans à l’Est de la côte Poire : camp Nord des deux légats et zone de la bataille finale du Camp Nord.
10 – Le Mont Rivel et ses temples antiques (mémoire de la bataille d’Alésia?).

Source : ArcheoJuraSite

Que faut-il penser de cette théorie ?

Dans notre position de passionnés d’histoire, il est bien difficile d’aller à contre courant de la théorie officielle qui privilégie depuis toujours la localisation en Côte d’Or. Fort est de constater que les recherches dans la vallée de Syam et sur le site de Chaux des-Crotenay n’ont pas été facilitées. André Malraux, alors Ministre de la Culture autorisa les fouilles mais en catimini demandant que la caution de l’état ne soit pas mentionnée.

Les controverses sur la localisation d’Alésia sont nées au XIXe siècle. Deux thèses se sont dès le départ affrontées, l’une défendant la position consensuelle et l’autre la voyant en Franche-Comté.

L’argument qui veut qu’aucune découverte n’ait été faite dans la vallée du Syam vient avant tout du fait qu’à aucun moment les moyens ont été donnés pour dégager l’oppidum (qui semble bien réel) et pour explorer les différents sites qui l’entourent. Le mythe d’un Alesia en Franche-Comté est analogue à celui des chambres secrètes dans la grande Pyramide de Guizeh. Tant qu’une prospection physique en profondeur ne sera pas effectuée, il ne pourra y avoir de réponse positive ou négative. Et quand bien même que cela ne remette pas en cause la localisation actuelle d’Alesia (à preuve du contraire c’est aujourd’hui en Côte-d’Or), il y a en regard des éléments produits par le magazine Geo de 2003 suffisamment d’éléments pour y faire des prospections sérieuses et de taille. La politique culturelle suivie par la France depuis des années qui mobilise la majorité des moyens sur la restauration et non sur la prospection risque fort de laisser planer le mystère encore longtemps.

Le fond du problème reste la méthode. Les amoureux des conspirations ne pourront y voir qu’une façon de cacher la vérité. Dans les faits il faut surtout comprendre que le récit de César est une façon de diffuser sa gloire et d’affirmer l’ampleur de la bataille. Au final, elle n’aura probablement pas été aussi importante que ces conséquences pour l’histoire. Pour certains, l’oppidum d’Alesia aurait bien eu du mal à accueillir 80.000 hommes et femmes, argument souvent porté par les défenseurs du site de Syam. Les vestiges et découvertes autour d’Alésia attestent bien qu’un siège et qu’une population ont été là pendant l’antiquité. Malheureusement, le nom d’Alesia n’est pas mentionné clairement en dépit de la découverte de 1854 et ce doute reste clairement confirmé par les responsables du Museoparc d’Alise Sainte Reine. Reste que les découvertes archéologiques faites en 1990 et les travaux publiés en 2006 ont clos un débat universitaire sur la localisation et désormais le site d’Alise-Sainte-Reine n’est plus remis en cause malgré les doutes qui peuvent subsister.

De nombreux éléments du matériel exposé dans les musées qui traitent d’Alésia proviennent pour partie d’autres sites dont Clermont-Ferrand (Gergovie) et ce fut là aussi un argument pour défendre les théories alternatives, ce n’est un secret pour personne. Comme Noviomagus en Gironde, associé au site Archéologique de Brion, ce sont les tissus de présomptions associés à une tradition orale qui ont dans un premier temps fait voyager le site d’un département à un autre. Le reproche qu’on peut faire est d’avoir entretenu un flou en n’engageant pas de véritables fouilles sur le site du Syam pour clore le débat. Désormais les éléments limitent ce doute mais quelques « chevaliers » luttent encore pour défendre une autre vérité.

Le site d’Alise-Sainte-Reine est aujourd’hui valorisé avec l’évocation du siège. Quel que soit l’avis qu’on peut s’en faire, la scénographie donne une idée du mélodrame qui s’est joué en Gaule en 52 av JC.

Bibliographie

Ouvrages

Histoire de Jules César, Napoléon III, Plon, 1865-66

Presse et télévision

« Jules César ou la gloire de Rome », émission « Secret d’Histoire », France 2 du mardi 25 novembre 2014 à 20 H 50, présentée par Stéphane Bern
Geo Magazine, article « On s’intéresse enfin à Syam », 2003

Mission impossible à Alésia ?


http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2014/05/30/31003-20140530ARTFIG00235-alesia-pourquoi-l-archeologie-ne-prouve-rien.php

Auteur de l’article : La rédaction

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